Le pouvoir discrétionnaire de l'Etat à ses frontières : controverses socio-juridiques autour des droits des migrants

Principal investigator Annalisa Lendaro (Coordinator), Marie-Laure Basilien-Gainche (Co-Coordinator)
Description
En période de crise humanitaire, les migrations sont devenues (encore plus qu'avant) un enjeu politique majeur, et une entrée pertinente pour saisir l'évolution des attitutes de la société civile. Depuis trois ans, l'Europe expérimente la plus importante augmentation d'arrivées de demandeurs d'asile depuis la II Guerre. La mobilité de demandeurs d'asile est particulièrement affectée par des politiques de contrôle des frontières qui ont été adoptées dans un contexte post-attentats ultra-sécuritaire. L'argument de la lutte contre le terrorisme sert aux gouvernements européens, France inclue, pour justifier l'adoption de mesures d'urgence qui suspendent ou modifient le droit, et qui résduisent les libértés et les droits fondamentaux. Le droit d'asile est particulièrement concerné. Si les Conventions Internationales, notamment la convention de Génève, nous rappellent quels sont les limites (théoriques) de ce pouvoir discrétionnaire de l'Etat vis-à-vis des demandeurs d'asile, en pratique, les critères de sélection se mélangent avec les critères d'exclusion : de nombreux ayants-droit à des formes de prise en charge et de protéction (ressortissants de pays à risques, mineurs non accompagnés, femmes seules ou avec enfants etc.) sont de facto exclus. Par conséquent, des formes de contestation de ces politiques et mesures peuvent émerger, et même se traduire en des controverses socio-juridiques. Les tribunaux sont de plus en plus appelés à trancher sur ces questions. DisPow se propose d’analyser les controverses socio-juridiques en lien avec les droits des demandeurs d’asile en France, dans le but de comprendre leurs origines, les différents conceptions de la justice qu’elles symbolisent, la façon dont elles défient les politiques migratoires contemporaines et les principes qui les sous-tendent et justifient, ainsi que leurs liens avec les mouvements sociaux qui prennent formes en dehors des tribunaux. S’inspirant de l’approche Law and Society et se fondant sur une enquête ethnographique comparative, le projet propose de développer un modèle multidimensionnel d’analyse du pouvoir discrétionnaire de l’Etat. Ce projet interdisciplinaire (sociologie, droit, sciences politiques, philosophie, géographie) vise à éclairer les modalités d'excercice du pouvoir discrétionnaire de l'Etat et leurs influences sur 1) l'interprétation et l'application des politiques migratoires 2) l'accès aux droits fondamentaux des demandeurs d'asile 3) les mouvements sociaux. L'objectif est d'éclairer les formes de résistance à ce pouvoir discrétionnaire, notamment au prisme des controverses socio-juridiques qui questionnent le lien entre légitimité morale et juridique des politiques migratoires contemporaines. L'étude de ces controverses permet notamment de comprendre: 1) de quelle manière la loi peut être utilisée comme une arme, par qui, à quelles conditions, et avec quels résultats; 2) les espaces (la rue, les aéroports, les gares etc.) où apparaissent différentes conceptions de la justice, et où ces dernières s'affrontent (tribunaux administratifs, Conseil d'Etat, postes-frontière, etc.); 3) si ces controverses s'inscrivent dans des mouvements sociaux existants, et si et comment elles contribuent à leur renouvellement. A travers une approche ethnographique, DisPow compare trois études de cas emblématiques: la frontière franco-italienne (la vallée de la Roya et la zone côtière entre Vintimille et Nice, le briançonnais), le Calaisis, et le pays Basque (en particulier la zone entre Hendaye et Irun). A l'opposé d'une vision du droit en tant que principe abstrait, le projet et ses terrains d'enquête mettront en lumière les usages concrets du droit par les activistes, les avocats, les élus locaux, les demandeurs d'asile, et les répresentants de l'Etat (fonctionnaires, forces de l'ordre). A travers l'étude des controverses juridiques liées à ces pratiques du droit, l'équipe explore le potentiel du droit en tant qu'intrument de changement social.
Year 2018

Taxonomy Associations

Migration processes
Migration consequences (for migrants, sending and receiving countries)
Migration governance
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